Plusieurs décisions judiciaires ont renforcé l'action de l'INPA en matière de protection d'immeubles.
Dans un jugement du 15 novembre 2010, le tribunal administratif a retenu, pour une fermette à Schifflange, que «Dans son mémoire en réponse, l'Etat rapelle la conception et les objectifs de la politique de protection et de conservation des sites du patrimoine, tout en précisant que le Luxembourg disposerait d'un patrimoine rural et urbain, qui à défaut d'être prestigieux, retracerait néanmoins l'histoire du pays et de sa population. A cet égard, force est au tribunal de constater qu'il ressort des pièces versées en cause, et notamment des photos versées par la demanderesse, lesquelles font ressortir le caractère rural de l'immeuble litigieux, que c'est à juste titre que le ministre a retenu que les bâtisses en question rappellent le passé agricole de Schifflange, qui était, avant l'industrialisation, une agglomération à caractère rural et qu'à l'heure actuelle il ne reste que peu de témoins de ce passé. Force est dès lors de retenir que l'immeuble en question présente du moins d'un point de vue historique un intérêt public, tel que le prévoit l'article 17 précité, de sorte que le moyen relatif à une prétendue erreur d'appréciation est à rejeter. »
Ainsi le recours en annulation introduit par les propriétaires contre une mesure de protection fut rejeté.
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Dans une autre affaire, tranchée par un arrêt du 14 novembre 2013, la Cour administrative a infirmé un jugement ayant annulé une protection nationale. La Cour a souligné que « D'un point de vue architectural ensuite, les deux immeubles, quoique séparés par une ruelle et dès lors non attenants, tel qu'ils se regroupent autour de la place qui les sépare et qui fait également partie du lot cadastral classé à travers l'arrêté du Gouvernement en Conseil litigieux, s'ils ne correspondent pas tout à fait, se répondent toutefois autour et au-delà de ladite place. Dans ce contexte, les questions érigées par les premiers juges autour de la date exacte de construction de la grange importent peu, dans la mesure où le caractère ancien de la grange ne fait aucun doute, ni d'ailleurs son caractère complémentaire par rapport à la maison d'habitation ancienne, du moment qu'à partir du plan cadastral de 1825 l'existence d'une grange à l'endroit est documentée et que la grange elle-même comportant le millésime de 1827 fait preuve de racines lointaines. Ce qui importe dans ce contexte est la fait que les deux immeubles, de par leurs volumes et configurations essentiellement se correspondent d'une manière à pouvoir notamment être désignés de groupement homogène au sens de la Convention de Grenade, en ce qu'il s'agit de deux constructions à finalité rurale mais inscrites dans un tissu urbain, déjà remarquables à travers cette seule conjonction, mais également en raison de leur intérêt historique et architectural en constituant autour de la place qui les sépare un ensemble suffisamment cohérent pour faire l'objet d'une délimitation topographique valable. Si la Convention de Grenade n'a pas encore été approuvée par le législateur luxembourgeois, elle énonce cependant au niveau européen des standards qui recoupent d'ores et déjà avec ceux connus dans la législation nationale concernant plus particulièrement la protection d'ensembles architecturaux. »
De même, la Cour dit que «...si la situation est déplorable dans une vue de conservation du patrimoine et que l'homogénéité d'un ensemble ne peut plus être reconstituée dans sa globalité en raison du remplacement de certains éléments d'un vieux tissu urbain homogène par des éléments nouveaux de qualité architecturale et esthétique plutôt discutables dans le contexte donné, cet état des choses imparfait n'est cependant pas de nature à voir tirer suffisamment argument pour ne pas conserver ce qui, en raison de ses qualités architecturales, historiques et esthétiques indéniables, continue cependant et encore à marquer l'endroit et à témoigner surtout pour l'avenir d'un passé d'ordre rural d'intérêt majeur à l'intérieur d'une ancienne cité urbaine en évolution. »
Enfin, les plus haut juges administratifs du Luxembourg ont tranché que « Si au stade actuel de la procédure il est demandé à la Cour de se prononcer uniquement sur le principe du classement, il n'en reste pas moins, tel que relevé par les responsables du Service des sites et monuments sur place et des éléments des conclusions étatiques au niveau de la procédure d'appel, que le classement en question doit être entrevu plutôt comme une chance que comme une tare, qui ne rend pas impossible un changement d'affectation, notamment au niveau de la grange dans l'optique d'une structure d'habitation avec l'omission éventuelle de l'adjonction de la bâtisse basse à la grange du côté de la rue du Pont en plus d'une possibilité de conseil technique et de subventions étendues de la part des services étatiques compétents, outre celle de voir ériger en lieu et place de la "nouvelle" maison d'habitation une construction architecturale contemporaine de valeur, de nature à encadrer la place dans un sens favorable de dialogue valable avec les éléments architecturaux classés, à juste titre, à travers l'arrêté litigieux. »
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Dans un arrêt du 19 décembre 2013, la Cour administrative confirme un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2013 ayant rejeté un recours formé contre une mesure de protection nationale. Les haut juges s'expliquent e.a. comme suit « Il est vrai que malgré l'existence de la loi du 18 juillet 1983, au niveau plus particulièrement de l'avenue Pasteur, nombre d'immeubles ayant également revêtu un intérêt architectural, esthétique et historique particulier, se sont vus remplacés par des constructions modernes sans qu'un intérêt public n'ait été manifesté dans le sens d'une mise sur l'inventaire supplémentaire ou d'un classement en tant que monument national. Une constante en la matière est que l'intérêt public se manifeste plus souvent de manière réactive que préventive. Cependant, ce constat vérifié n'est certainement pas une excuse pour qu'un ensemble urbanistique présentant effectivement un tel intérêt public, tel celui sous analyse, échappe à son tour à toute mesure de protection et plus particulièrement, vu son intérêt public vérifié, au classement en tant que monument national. »
« Pour le surplus, les cinq immeubles visés par le classement aux numéros 26 à 34 de l'avenue Pasteur, ne forment pas un ilot totalement isolé, même si en aval l'avenue Pasteur présente un aspect complètement différent, étant donné qu'il y a lieu de considérer ces immeubles en combinaison avec les immeubles voisins des rue Henri VII et rue Antoine Zinnen, ensemble les édifices du lycée de garçons et de l'église du Limpertsberg datant tous essentiellement du début du vingtième siècle et documentant dans leur ensemble l'évolution à partir d'une vue plus historiciste des éléments d'architecture vers l'« Art nouveau », puis l'« Art déco » dont relèvent les immeubles actuellement litigieux. »
32, avenue Pasteur
30, avenue Pasteur
28, avenue Pasteur
« En conclusion, le caractère isolé de l'ilot d'immeubles concerné n'étant pas vérifié et les erreurs du passé ne constituant pas une excuse pour ne pas appliquer la loi du 18 juillet 1983 au présent, face à un ensemble urbanistique constitué par les cinq immeubles globalement concernés présentant, y compris au niveau des trois actuellement litigieux, un ensemble d'un intérêt architectural, esthétique et historique vérifié, la Cour, à la suite du tribunal, est amenée, dans le cadre du recours en réformation lui soumis, de confirmer l'arrêté du gouvernement en conseil critiqué du 28 février 2011 en ce qu'il classe comme monument national les trois immeubles actuellement litigieux. De la sorte, la Cour est amenée à déclarer l'appel non fondé. » Cette dernière décision d'ailleurs était consacrée "Jurisprudence du mois" par la revue JURISNEWS (vol.11-n°1/2014)
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La Cour administrative, dans un arrêt du 30 septembre 2014, s'est encore penchée sur l'équilibre instauré en matière de classement. La Cour s'est exprimée comme suit: « Une fois le classement intervenu, le propriétaire est tenu de s'adjoindre l'autorisation, dans les limites de la loi, concernant des travaux de remise en état à effectuer. Il s'agit évidemment d'une contrainte qui cependant se trouve contrebalancée par les services gratuits de conseil offerts par les hommes de l'art du SSMN. Enfin, pour les travaux à entreprendre, à cadrer en principe d'un commun accord entre le propriétaire et le SSMN, des aides et subsides étatiques sont prévus par la législation applicable. Ici encore un équilibre certain a été instauré.
Si, dès lors, de manière indéniable le classement opère une ingérence dans les droits du propriétaire de l'immeuble classé, il n'en reste pas moins que du moins a priori et in abstracto au niveau des dispositions de la loi, un équilibre a priori équitablement balancé a été institué par la loi entre l'ingérence en question ensemble les obligations et servitudes découlant du classement, d'un côté, et l'indemnisation afférente ainsi que le conseil gratuit du service compétent ensemble les aides et subsides étatiques prévus en la matière, de l'autre.
Dès lors à ce stade de l'analyse essentiellement théorique et a priori, dans les limites des moyens invoqués, la Cour est amenée à retenir une non-contrariété du classement intervenu à la fois par rapport à l'article 1er du Protocole additionel à la CEDH, le principe de proportionnalité n'ayant point été enfreint de manière vérifiée compte tenu de l'équilibre ci-avant décrit, et à l'article 16 de la Constitution, dans la mesure de l'équilibre trouvé dans le cas de figure où le classement en question est à entrevoir en tant qu'atteinte à la substance du droit de propriété appelée à être contrebalancée par un droit d'indemnisation vérifié en cause. »
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Dans une décision du 23 avril 2018, le tribunal administratif a encore rejeté un recours contre une décision de protection nationale. En effet, le tribunal a retenu que « Si l'état des lieux fait certes état d'effritements de peinture à quelques endroits, de fissures ou ouvertures plus ou moins importantes, de carrelages fissurés, voir manquants et de traces d'humidité à certains endroits, - dégradations qui au vu de l'âge de l'immeuble litigieux ne paraissent d'ailleurs pas anormales - il n'en demeure pas moins qu'il ne ressort pas dudit état des lieux que la maison se trouverait dans un état de délabrement total, ni qu'elle aurait subi des transformations d'une telle envergure que son rôle historique en tant que maison témoin en soit affecté. Or, tel que relevé par le ministre dans son courrier du 17 août 2016, des travaux peuvent être entrepris après information préalable du ministre et « du fait de cette protection douce, des subventions peuvent être octroyées au propriétaire de l'immeuble pour des travaux de restauration à venir. », de sorte que l'inscription de l'immeuble à l'inventaire supplémentaire n'est pas de nature à empêcher des travaux de restauration et de remise en état.
(...) il y a lieu de retenir que si, en l'espèce, il est vrai, tel que l'a relevé la demanderesse, il ne saurait y avoir confusion entre l'ancienneté d'un bâtiment et son authenticité, il n'en reste pas moins qu'il y a lieu de considérer que la désignation de la maison - ayant par ailleurs été bâtie selon les caractéristiques architecturales de l'époque - en tant que maison inscrite au Urkadaster de 1882 est suffisante pour retenir son authenticité et en l'occurence son intérêt historique en tant que témoin d'une époque révolue dans ce quartier et dès lors pour retenir que l'immeuble litigieux présente un intérêt suffisant pour rendre désirable sa préservation.
Les constructions modernes voisines n'affectent pas cette conclusion, dans la mesure justement où la maison présente un intérêt suffisant pour figurer à l'inventaire supplémentaire au vu de ses qualités propres en tant que rare témoin historique et architectural dans ce quartier.
En ce qui concerne l'argument de la demanderesse suivant lequel l'arrêté du ministre se baserait exclusivement sur l'aspect extérieur de la maison, le tribunal constate que s'il est vrai que l'arrêté ministériel du 21 mars 2016 se réfère essentiellement à l'aspect extérieur de la maison litigieuse en ce qui concerne le volet architectural et esthétique, force est toutefois de constater qu'il a surtout mis l'accent sur l'intérêt historique de la maison d'habitation en tant que maison-témoin d'une époque révolue dans le quartier Mühlenbach, de sorte que le tribunal est amené à conclure que dans une optique d'ensemble de préservation d'un immeuble, il est préférable de protéger la maison dans son entièreté, y compris ses éléments d'intérieur.