Construire une grotte cimentée - fin 19e s.

Extrait de "Traité Général de la Composition des Parcs et Jardins".Edouard André, Paris, 1879, p. 512-514.

On procède (...) à un travail de maçonnerie ordinaire. La seule différence réside dans la formation des parements, qui ne sont plus des surfaces planes, mais qui varient au contraire, suivant des irrégularités voulues. Avant tout, la solidité doit être assurée. En montant une muraille de rochers, les queues des pierres seront fichées clans le sol vertical, de distance en distance, pour les relier à la construction. Les pieds-droits des grottes, les culées des ponts, les murs des barrages seront montés droit, selon les règles de la construction; le massif sera maçonné avec soin, en mortier de chaux hydraulique clans la plupart des cas, en mortier de ciment pour les petites rocailles. L'extérieur seul révélera le travail artistique.

Les voûtes de grottes, avant d'être revêtues de leurs parements rocheux, seront construites de manière à présenter une sécurité complète; des cintres bien faits en soutiendront l'appareil, comme s'il s'agissait de voûtes de caves ordinaires. Mais on laissera des cavités, des irrégularités dans la saillie des pierres, afin de pouvoir varier ensuite leur surface apparente. Lorsque ces roches appartiendront à une formation calcaire clans laquelle il sera facile de justifier la présence des dépôts de carbonate de chaux, on pourra les revêtir de stalactites.

Les moyens usités pour imiter ces curieuses concrétions sont multiples. Un habile constructeur de rochers, M. Combaz, assurait d'abord leur solidité en fixant clans la voûte des morceaux de fer saillants au dehors, et d'une longueur calculée. Ces fers, réunis en pointe comme les angles d'une pyramide, étaient reliés par des mailles de fil (le fer, entre lesquels on injectait avec une pompe, du ciment liquide, par couches superposées, jusqu'à ce que le tout formât un bloc homogène. Ce procédé est bon, surtout à cause de la légèreté qu'il laisse à un objet dont la chute serait à craindre si son poids était considérable; il a cependant l'inconvénient de laisser voir les fils et armatures diverses, quand des morceaux de ciment viennent à se détacher.

Si les stalactites étaient de petites dimensions, je conseillerais plutôt de fixer dans la voûte des morceaux de pierre meulièe caverneuse et légère, de les relier par du ciment de Portland, et de les revêtir ensuite d'un réesau de fil de fer maillé que l'on attacherait à la voûte par des clous à têtes fixés dans les joints. On couverait du ciment sur le tout, et la solidité ne laisserait rien à désirer.

Les stalagmites s'obtiennent en construisant sur le sol, dans la direction verticale de la pointe des stalactites, de petits monticules aigus, à crêtes variées, sur lesquels on répand également des couches de ciment liquide.

Cet enduit de ciment coulé est excellent pour uniformiser l'ensemble d'une construction de rochers, effacer les joints, atténuer de trop fortes aspérités, obtenir une couleur uniforme. Si l'on veut arrondir les angles, on augmente le nombre des couhces. On emploie également ce moyen pour revêtir d'une manière égale des pierres d'une formation étrangère au lieu où l'on en trouve. Avec ce moyen on peut construire en briques des rochers que l'on croirait naturels. Un rocailleur anglais, M. Pulham, a fait de nombreux travaux de ce genre; l'un des meilleurs se trouve dans un jardin situé en plein Londres, à Oak Lodge, quartier du West-End.

Enfin on peut utiliser pour la fabrication des rochers le béton aggloméré Coignet, système qui s'est fait connaître avantageusement depuis quelques années. Ce béton est composé de ciment, de chaux hydraulique, de sable de rivière et de sable de grès, avec addition d'eau et d'un silicate, le tout pilonné dans des moules et abandonné à l'air, où ce mélange acquiert la dureté de la pierre. Les proportions des matières premières et le soin de la fabrication font tout le secret du procédé.

Si tous les rochers calcaires ou arénacés devraient être ainsi enrobés dans un enduit de ciment uniforme, on conçoit qu'il serait difficile de conserver aux masses cette apparence de vérité géologique dont j'ai parlé plus haut. Aussi je conseille de n'y recourir que si le ton ainsi obtenu ne diffère pas sensiblement de celui des rochers du voisinage ou s'il est possible d'imiter ce ton artificiellement. Pour atteindre ce but, on peut peintre les rochers. Ce mot n'a rien qui doive effrayer: l'opération consiste à enduire les pierres de tons ocracés, ou verdâtres, de nuances variées, avec les substances suivantes. Au moyen des proportions ci-indiquées on obtiendra un ton vert olive:

Noir de fumée ou noir d'Anvers ....................4 kg.
Ocre jaune .............................................500 gr.
Ocre rouge..............................................250 gr.

Ce mélange est appliqué ou fouetté avec un gros pinceau ou un balai fin. Pour y ajouter un grain blanc, on fouette un peu de blanc de meudon; le vert de Paris produit des taches vertes. On emploie un silicate ou mieux de l'alun dissous dans l'eau pour fixer ces substances. La gelée, les intempéries diverses ont rapidement éteint et fondu les tons trop vifs, et des plantes grimpantes, tapissant une partie des roches, voilent bientôt les défauts de vraisemblance.

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