La Tour Jacob ou Dinselpforte est un vestige d'une grande richesse historique et architecturale, même si a priori elle ne semble représenter rien qu'une tour imposante sur le plateau du Rham. Son histoire nous est connue aujourd'hui grâce aux nouveaux moyens d'études archéologiques (la photogrammétrie et la dendrochronologie). Les pierres et le bois, les deux matériaux principaux de l'édifice, ont conservé en mémoire l'histoire tourmentée du passé militaire de la Ville de Luxembourg.
La tour-porte a été construite au bas Moyen Age. La première mention de celle-ci, dans les comptes de la baumaîtrie de la ville, remonte aux années 1426-1427, où une serrure et une planche de bois furent remplacées. La porte a donc été construite avant ces dates et après la deuxième moitié du XIVe siècle, car la fortification du Grund et son rattachement à la ceinture urbaine n'ont pas été entamés auparavant.
La porte d'entrée avec son arc brisé traduit le style architectural médiéval. Les portes de la ville construites après le XVe siècle ne sont jamais munies d'un arc brisé et comportent des arcs surbaissés ou des arcs en plein cintre. Les marques lapidaires ou les marques de tâcheron taillées dans les pierres de l'arc sont d'une qualité et d'une variété extraordinaire, mais courantes à l'époque médiévale.
La tour Jacob |
photo Dorothée Orjol |
Si la porte est médiévale, son dispositif fortifié l'est aussi. Et pour cause, car cette porte était l'une des entrées principales à l'Est de la ville. On y prélevait le péage aux passants dans une petite maison appelée porthus dans les termes de la langue luxembourgeoise médiévale. Ensuite, le passant traversait le pont en bois et franchissait la porte voûtée pour entrer en ville. Durant la nuit, la Dinselpforte était fermée. Elle possédait une succession de trois portes à double battant. Ce nombre élevé de portes s'explique par l'absence d'un pont-levis, qui d'ailleurs a été monté sur la nouvelle porte de Trêves construite, vers 1590, à environ 100 mètres de la Dinselpforte. Dans le dispositif de fermeture de la Dinselpforte, on observe une première porte extérieure montée sur charnière et épousant l'architecture. Une grille ou une herse en métal descendait derrière l'arc en ogive, et une seconde porte, maintenue par ses deux charnières, dédoublait la grille. Une troisième porte à double battant était située du côté ville.
Une première date clef dans l'histoire mouvementée de forteresse de Luxembourg est l'année 1443. En effet, la ville fi assiégée et prise par les Bourguignons.
Les textes rapportent que les planchers et l'escalier de Dinselpforte ont brûlé et ont été remplacés par la suite. Durant la deuxième moitié du XVe siècle, la porte a été soumis à de nombreux travaux de réfection. Le plancher est refait en 1452-53, l'escalier était à nouveau ancré dans la cage d'escalier en 1454-55. L'escalier en pierre qui mène au premier étage es construit en 1458-59 et remplaçait probablement un escalier ci bois. Douze fenêtres sont percées sur deux faces de la tour e encadrées de pierres de taille en 1454-55. En 1476-77 on perçait encore quatre meurtrières dans l'édifice.
On a aménagé une chambre de garde ou de logement au premier ou deuxième étage de la tour en 1471-72. Le premier étage d la tour reliait le chemin de ronde, qui descend vers l' Alzette, ai rempart droit, qui défend le plateau du Rham. Une nouvelle maison de garde fut probablement construite sur le rempart, du côté Est de la porte avant 1477. Le niveau de la rue fut abaissé en 1454-55, ce qui explique probablement la différence de niveau existant entre la rue et les pieds des charnières.
En 1453 on montait des canonnières et en 1476-77 on montait à nouveau deux couleuvrines sur la tour ce qui prouve son intérêt stratégique dans la défense de la ville.
Les témoignages historiques, concernant les années 1500 à 1683, dont 130 ans environ sous la tutelle des Espagnols, sont rares. Seul un fragment d'une poutre enfoncé dans la façade extérieure nous indique, après analyse dendrochronologique, que des travaux de restauration ont été entrepris au premier étage vers 1537.
A partir de 1590, une nouvelle porte de Trêves fût construite en contrebas de la Dinselpforte à l'emplacement du pont en métal qui enjambe actuellement la rue de Trêves. Depuis la fin du XVIe siècle, la Dinselpforte n'occupe plus sa fonction d'accès principal à la ville. Cette porte devenait en effet une porte qui desservait le plateau du Rham avec ses baraques attestées depuis 1671. En 1685, Vauban entreprenait la construction de nouvelles casernes, aujourd'hui affectées en maison de retraite. Cette tour massive, ayant des épaisseurs de murs variant entre 1 m et 1,5 m, a presque cédé à l'attaque de la ville par les troupes de Louis XIV en 1684. Trois sources historiques complémentaires convergent pour nous confirmer cette date.
L'histoire et les plans nous révèlent la mise en place de la première batterie des troupes françaises sur le plateau du Rham le 10 mai 1684. Des tranchées ont été creusées devant les murs du plateau du Rham. Les soldats français, ayant conquis le plateau, continuèrent à creuser les tranchées intra-muros pour bombarder la ville haute de ce lieu.
La deuxième source historique dépeint l'état de la Dinselpforte après l'attaque par l'intermédiaire d'un dessin attribué à l'artiste du roi, Adams Frans van de Meulen. Sur ce dessin, tracé à la mine à plomb, on voit sur la façade extérieure une encoche profonde en forme de triangle renversé.
Finalement, la troisième source est la dendrochronologie, datant le bois d'après le nombre de ses cernes. Elle a pu prouver que l'abattage du bois utilisé dans la charpente de la tour, date de l'été 1684.
La Dinselpforte a donc été partiellement détruite sous le feu des troupes françaises. Mais déjà en été 1684, les premiers travaux de restauration ont commencé comme le montre le bois de la charpente.
Depuis, la tour Jacob a été épargnée par les bombardements violents. La maçonnerie n'a laissé aucune autre trace importante de destruction.