Pourquoi un parc municipal ?

Quelles pouvaient être les raisons amenant le gouvernement à projeter la création d’un parc d’une vingtaine de hectares dès 1870 ?

La petite ville de Luxembourg, comptant à peine quinze mille habitants en 1870, était désormais la capitale libre d’un Etat neutre. La mode des embellissements parisiens n’a pas pu manquer d’impressionner la haute bourgeoisie luxembourgeoise, surtout après l’Exposition Universelle de Paris en 1867, au cours de laquelle le parc des Buttes-Chaumont fut inauguré. Si petite fût-elle, la capitale luxembourgeoise ne pouvait se priver désormais d’une telle carte de visite.

D’autre part, le gouvernement se voyait obligé de réduire la chute rapide des prix pour les immeubles existants dans la vieille ville en limitant le nombre des nouveaux lotissements de construction par la création d’un parc. En revanche les nouvelles villas construites en bordure du parc étaient bien mises en évidence par le cadre de verdure.

Bastion Berlaimont

Avant-projet

Démolition des fortifications pour faire place aux aménagements paysagers à Luxembourg-Ville

Avant-projet du parc de Luxembourg (1871)
(Edouard André)

Enfin, un réel souci d’urbanisme moderne semble avoir inspiré les édiles de l’époque à considérer l’idée d’un parc. Dès le mois d’août 1868 la direction générale des Finances avait rassemblé une commission chargée de la «conservation et de l’extension du parc, dit parc du général ». Ce parc du général était en fait une minuscule partie jardinée, établie dès le premier quart du 19e siècle sur la lunette 4 entre les forts Vauban et Marie. A côté de ce jardin d’agrément il convient de mentionner les plantations d’arbres sur le rempart principal et sur les glacis des différentes enceintes fortifiées, établies par le Gouvernement de la Forteresse Fédérale après les guerres napoléoniennes. Edouard André prit soin d’en conserver les meilleurs arbres et de les intégrer dans la composition nouvelle du parc. Dans le traité « L’art des jardins » (1879, pp. 780-781) il nota à propos des « anciennes plantations qu’il a fallu conserver » qu’ «une avenue curviligne, plantée de grands arbres conservés avec soin, est devenu le lieu favori des promenades du public ».

Chapelle du Glacis

Plan des aménagements paysagers près de la chapelle du Glacis / août 1884
(Edouard André)

Après la visite du site du futur parc de Luxembourg au début de l’année 1871 (date précise inconnue), Edouard André présenta son avant-projet pour approbation au gouvernement en juin 1871. Le texte de l’avant-projet en date du 2 juin 1871 esquisse les grands traits d’ensemble de la réalisation progressive d’une ceinture verte, appelée alors la « couronne verte », dans le creux de la deuxième ligne défensive du front de plaine au nord-ouest de la ville. Chaque partie de cette bande de verdure, contenue entre les percées des nouvelles avenues, était conçue comme une entité autonome, à circuit intérieur fermé, reliée à l’ensemble du parc par des allées périphériques qui traversaient les avenues.

Projet de siège rustique

Modèle d’un siège rustique pour le parc de Luxembourg-Ville
(Edouard André)

La ville elle-même et les nouveaux lotissements ainsi que les enclaves vendues dès 1868 étaient systématiquement exclus du champ de vision du promeneur à l’intérieur des sections du parc grâce à un épais écran de verdure périphérique qui ne ménageait que de rares échappées de vue sur tel ou tel bâtiment.

En revanche les nouvelles avenues coupant le parc en quatre secteurs bénéficiaient de belles ouvertures latérales sur les pelouses. Afin de garantir la continuité des promenades et un agencement d’ensemble le projet indique déjà un nombre impressionnant d’entrées. Chaque partie du parc est dotée de kiosques, alcôves et monuments.

Monument de la princesse Amélie

Monument de la princesse Amélie

L’emplacement du monument de la princesse Amélie (décédée en 1872) est déjà indiqué. Le tracé des allées du projet initial reprend le style des promenades françaises avec des mouvements sinueux et elliptiques très généreux, d’une qualité presque abstraite. La conception urbanistique du parc de Luxembourg se rapproche néanmoins davantage des modèles anglo-saxons que des modèles français contemporains. Edouard André donne explicitement l’exemple des entrées du parc et des avenues qui traversent le corps du parc à Luxembourg comme étant proches des arrangements semblables au Sefton Park à Liverpool et au Central Park de New York (crée en 1858 par son ami et collègue F. L. Olmsted).

Le plan du projet définitif, reproduit dans l’« Art des Jardins » (1879), diffère légèrement de l’avant-projet. Le tracé des allées apparaît sous une forme moins arrondie, les bosquets et les écrans de verdure forment des masses moins compactes et définies, alors que les coulées de verdure des pelouses glissent de manière plus erratique et déchiquetée entre les plantations d’arbres et d’arbustes.

Jardin botanique de Luxembourg

Jardin botanique de Luxembourg

L’ambition d’Edouard André de créer un jardin zoologique et botanique n’aurait rien eu de spectaculaire, si ce ne fût pour l’idée de former une collection de plantes et d’animaux indigènes au Grand-Duché pour divertir et éduquer le public : « Il serait digne de la capitale de ce pays, explique-t-il au gouvernement , de posséder, soit pour l’instruction des enfants de ses collèges et celle du public, soit pour la récréation des promeneurs, un résumé fidèle des productions de la Faune et la Flore indigènes. Il serait oiseux d’insister sur l’intérêt que présenterait une fondation de ce genre.

La bourgeoisie luxembourgeoise appréciait davantage l’aménagement ornemental qu’André dessinait autour du monument de la princesse Amélie des Pays-Bas selon le répertoire classique de la mosaïculture parisienne en 1875/6. Le monument de la princesse que l’architecte-paysagiste avait habilement placé sur un tertre du bastion Marie qui avait résisté au dynamitage regarde en direction de la ville et constitue la seule partie de la couronne verte ouverte à la vue des habitants de la vieille ville.

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